Les Livres de la Terre fracturée – Nora K. Jemisin

Au milieu de la production foisonnante que la dernière décennie nous a offert en matière de science-fiction, de fantasy et de fantastique, une autrice afro-américaine, Nora K. Jemisin, s’est démarquée au point de remporter trois années d’affilée (en 2016, 2017 et 2018) le Prix Hugo du meilleur roman. Ce prix, le plus prestigieux du genre, elle l’a obtenu pour La Cinquième Saison (2016), La Porte de Cristal (2017) et Les Cieux Pétrifiés (2018), qui composent ensemble la trilogie des Livres de la Terre fracturée. Les distractions se faisant rares, j’ai profité des derniers mois pour enfin m’y pencher.

Le monde que nous y découvrons est bien mal en point. L’humanité occupe un unique continent et se compose de petites communautés fragiles. Peu de réelles villes, et pour cause : régulièrement, un cataclysme quelconque provoque un hiver apocalyptique d’une durée indéterminée. On appelle ça une Saison. Tremblement de terre, tsunami, activité volcanique : il faut être prêt à tout. Une partie de la population dispose pourtant du pouvoir de l’en protéger : les orogènes, capables de contrôler l’activité sismique, et plus globalement la pierre. Pourtant, ces derniers sont méprisés, rejetés voire tués, sauf si le pouvoir central les repère suffisamment tôt et les éduque – cruellement – afin de les utiliser à ses fins.

Sans rentrer dans les détails d’un récit qui s’étend sur trois volumes, le premier opus s’ouvre sur une double catastrophe : globale, avec l’arrivée d’une nouvelle Saison, et personnelle, quand une mère orogène découvre que son mari a tué son fils et enlevé sa fille, tous deux orogènes également. L’entame La Cinquième Saison est brutale et nous lâche sans prévenir dans cet univers implacable. Un tas de questions nous brûlent. Mais qui sont ces personnes ? Quand ? Pourquoi font-elles cela ? Et pourtant, il ne faut pas bien longtemps pour commencer à deviner tout le potentiel que cette histoire a en réserve. Les protagonistes, d’une part, sonnent vrai et nous donnent à voir toute une palette d’humanité. D’autre part, si les débuts nous laissent entrevoir un univers vaguement médiéval peuplé de quelques magiciens opprimés, il n’en est rien : ce monde est d’une grande originalité. A propos : mais que c’est bien écrit, et quel bonheur lorsque la narration et l’univers s’entrecroisent pour former un tout cohérent. Le public francophone peut au passage saluer la traductrice Michelle Charrier pour son travail. Cette épopée longue et ardue dans un monde sans pitié nous tient en haleine jusqu’au bout, même on n’échappe pas à quelques passages plus compliqués à saisir.

Le troisième tome terminé, je ne peux qu’insister : accrochez-vous aux premières pages, laissez vos questions en suspens et lisez. Le reste viendra comme une récompense. Saisir l’air du temps, le déployer dans un monde complexe et vertigineux, donner vie à des personnages aussi vrais que nature : ça mérite bien quelques prix littéraires.

2 commentaires sur “Les Livres de la Terre fracturée – Nora K. Jemisin

Laisser un commentaire